feuillet N°9 Dimanche de saint Jean Climaque

Tropaires
I.
Par les flots de tes larmes,
tu as fait fleurir le désert aride ;
par tes profonds gémissements, tu as fait rendre à tes labeurs des fruits au centuple.
Tu as illuminé le monde en resplendissant par les miracles.
Prie le Christ Dieu, ô notre bienheureux père Jean, de sauver nos âmes
II.
Habitant du désert et ange dans le corps, tu fis des miracles,
Ô Jean, notre père théophore ;
par le jeûne, les veilles et la prière, tu as reçu les dons célestes ;
tu guéris les maladies et les âmes de ceux qui accourent vers toi avec foi.
Gloire à Celui qui t'a donné la force, gloire à Celui qui t'a couronné,
gloire à Celui qui par toi accomplit sur tous des guérisons.

Lectures liturgiques
Saint Paul Lettre de saint Paul apôtre aux Ephésiens
ch V 08 Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière –
9 or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité –
10 et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur.
11 Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt.
12 Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même d’en parler.
13 Mais tout ce qui est démasqué est rendu manifeste par la lumière,
14 et tout ce qui devient manifeste est lumière. C’est pourquoi l’on dit : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.
15 Prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages.16 Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais.
17 Ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur.
18 Ne vous enivrez pas de vin, car il porte à l’inconduite ; soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint.
19 Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc
La guérison de l'enfant démoniaque
La Guérison de l'enfant démoniaque
Chapitre IX 17 Quelqu’un dans la foule lui répondit : "Maître, je t’ai amené mon fils, il est possédé par un esprit qui le rend muet ;
18 cet esprit s’empare de lui n’importe où, il le jette par terre, l’enfant écume, grince des dents et devient tout raide. J’ai demandé à tes disciples d’expulser cet esprit, mais ils n’en ont pas été capables."

19 Prenant la parole, Jésus leur dit : "Génération incroyante, combien de temps resterai-je auprès de vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? Amenez-le-moi."
20 On le lui amena. Dès qu’il vit Jésus, l’esprit fit entrer l’enfant en convulsions ; l’enfant tomba et se roulait par terre en écumant.
21 Jésus interrogea le père : "Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ?" Il répondit : "Depuis sa petite enfance.
22 Et souvent il l’a même jeté dans le feu ou dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par compassion envers nous !"

23 Jésus lui déclara : "Pourquoi dire : “Si tu peux”… ? Tout est possible pour celui qui croit." 24 Aussitôt le père de l’enfant s’écria : "Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! "
25 Jésus vit que la foule s’attroupait ; il menaça l’esprit impur, en lui disant : "Esprit qui rends muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus jamais !"
26 Ayant poussé des cris et provoqué des convulsions, l’esprit sortit. L’enfant devint comme un cadavre, de sorte que tout le monde disait : "Il est mort."v 27 Mais Jésus, lui saisissant la main, le releva, et il se mit debout.
28 Quand Jésus fut rentré à la maison, ses disciples l’interrogèrent en particulier : " Pourquoi est-ce que nous, nous n’avons pas réussi à l’expulser ?"v 29 Jésus leur répondit : "Cette espèce-là, rien ne peut la faire sortir, sauf la prière."
30 Partis de là, ils traversaient la Galilée, et Jésus ne voulait pas qu’on le sache,
31 car il enseignait ses disciples en leur disant : "Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera."

Le Dimanche de Saint Jean Climaque
saint Jean Climaque Au Quatrième dimanche de Carême; et après la vénération de la Sainte Croix, l'Église orthodoxe fait mémoire de saint Jean Climaque.
Auteur de L’Échelle des vertus il montra un exemple du portement de la Croix et de l'accomplissement du jeûne.
Il est vraisemblablement né vers la fin du VIe siècle On sait que dès l'âge de seize ans, après avoir acquis une solide formation intellectuelle, il renonça à tous les attraits de cette vie de vanités, par amour de Dieu, et il se rendit au mont Sinaï, au pied de cette montagne sainte où Dieu avait autrefois révélé sa gloire à Moïse.
Il se soumit corps et âme à un Ancien, nommé Martyrios, qui demeurait dans une cellule non loin du monastère, et s'engagea, libre de tout souci, dans l'ascension de cette échelle spirituelle (klimax) au sommet de laquelle Dieu tenait et l'engageait à ajouter " jour après jour, feu sur feu, ferveur sur ferveur, désir sur désir et zèle sur zèle " (I, 46). Il le garda néanmoins quatre ans dans l'état de novice et ne le tonsura qu'à l'âge de vingt ans, après avoir éprouvé son humilité. Un des moines présents ce jour-là, nommé Stratège, prédit que ce nouveau moine était appelé à devenir un jour un des grands luminaires du monde.
Il passa ainsi dix-neuf ans dans la bienheureuse insouciance que procure l'obéissance, débarrassé de tout combat par la prière de son père spirituel et naviguant sans danger, comme en dormant, vers le port de l'impassibilité (IV, 3).
À la mort de Martyrios, il résolut de poursuivre dans la solitude son ascension. Il choisit comme terrain d'exercice un lieu solitaire, appelé Thola (aujourd'hui Wadi el-Tlah), situé à cinq milles du grand monastère, où d'autres ermites demeuraient non loin les uns des autres. Il y resta pendant quarante ans, consumé par un amour de Dieu sans cesse croissant, sans souci pour sa propre chair, libre de tout contact avec les hommes, n'ayant pour seule occupation que la prière sans relâche et la vigilance sur son cœur, en vue de " circonscrire l'incorporel dans une demeure corporelle " (XXVII, 7), tel un ange revêtu d'un corps.
Il mangeait tout ce que permet la profession monastique, mais en très petite quantité, domptant ainsi la tyrannie de la chair sans offrir de prétexte à la vaine gloire.
Que lui restait-il à accomplir pour parvenir à l'impassibilité (apatheia) ?
La colère, il l'avait vaincue depuis longtemps par le glaive de l'obéissance.
La vaine gloire. cette épine à trois pointes, qui se tient toujours dressée contre les combattant de la piété, et qui se mêle à toutes les vertus comme une sangsue (XXI, 5), il l'avait étouffée par la réclusion et plus encore par le silence. Et, pour prix de ses labeurs, qu'il aaccompagnait toujours du blâme de soi, le Seigneur lui avait accordé la reine des vertus, la sainte et précieuse humilité : " cette grâce ineffable dans l'âme, ce trésor, dont le nom n'est connu que par ceux qui l'ont appris par expérience, et qui porte le Nom de Dieu Lui-même " (XXV, 3).
Il vivait chaque jour comme une fête (VII, 41) et gardait la prière perpétuelle dans son cœur devenu semblable à une forteresse inviolable aux sauts des pensées. Il lui arrivait parfois d'être ravi en esprit au milieu des chœurs angéliques, sans savoir s'il était en son corps ou hors de son corps, et avec grande liberté il demandait alors à Dieu de l'instruire sur les mystères de la théologie (XXVII, 48).
Quant au sommeil, il ne lui accordait que la mesure nécessaire pour garder son esprit vigilant dans la prière et, avant de s'endormir, priait longtemps ou écrivait sur des tablettes le fruit de ses méditations des Écritures inspirées.
Pendant toutes ces années, il prit soin de garder ses vertus cachées aux yeux des hommes. Plus tard, Dieu jugea que le temps était venu pour lui de transmettre aux autres la lumière qu'il avait acquise pour l'édification de l'Église.
Sa prière Jean avait le pouvoir de guérir les blessures visibles et invisibles. Mais c'était surtout par le charisme de l'enseignement spirituel que Dieu manifestait en lui sa grâce.
Son enseignement spirituel suscita toutefois la jalousie de certains, qui répandirent alors contre lui des calomnies, le traitant de bavard et de vaniteux. Jean qui avait la conscience en paix ne chercha pas à se justifier et, pour enlever tout prétexte à ceux qui en cherchaient un, il arrêta pendant une année entière le flot de ses enseignements, convaincu qu'il valait mieux porter un léger préjudice aux amis du bien plutôt que d'exacerber le ressentiment des méchants.
Tous les habitants du désert furent édifiés par son silence et par cette preuve d'humilité, et ce ne fut que sur les instances de propres calomniateurs repentants qu'il accepta de recevoir à nouveau des visiteurs. Comblé de toutes les vertus de l'action et de la contemplation, et parvenu au sommet de l'échelle sainte par la victoire sur toutes les passions du vieil homme, Jean rayonnait comme un astre sur la péninsule du Sinaï et était admiré par tous les moines. Il ne s'en estimait pas moins encore un débutant avide de recueillir des exemples, de conduite évangélique, il entreprit un voyage dans divers monastères d'Égypte. Il visita en particulier un grand monastère cénobitique, dans la région d'Alexandrie, un véritable " ciel terrestre ".
Lorsque le saint eut accompli ces quarante années de séjour au désert, tel un autre Moïse, il fut chargé par Dieu de prendre la tête de ce Nouvel Israël et devint higoumène du monastère (vers 650), au pied de la montagne sainte. On raconte que, le jour de son intronisation, six cents pèlerins étaient présents et, pendant que tous étaient assis pour le repas, on put voir le prophète Moïse lui-même, vêtu d'une tunique blanche, allant et venant, et donnant des ordres avec autorité aux cuisiniers, aux économes, aux cellériers et autres domestiques. 
Fondé après 548 par l'empereur Justinien, sur le site du Buisson Ardent qui était depuis longtemps le centre d'une importante colonie érémitique, le monastère du Sinaï était alors dédié à la Mère de Dieu, Ce n'est qu'au XlVe siècle qu'il prit le nom de Sainte Catherine, L'higoumène de Raïthou (aujourd'hui El-Thor), nommé lui aussi Jean, ayant été informé de la merveilleuse manière de vivre des moines du Sinaï, écrivit à Jean pour lui demander d'exposer, de manière méthodique et brièvement, ce qui est nécessaire à ceux qui ont embrassé la vie angélique pour obtenir le salut. Celui-ci qui ne savait pas contredire grava alors, du stylet de sa propre expérience, les " Tables de la Loi spirituelle ". [C'était le titre primitif de l'Échelle, ce dont témoignent certains manuscrits.] Il présentait son traité comme une Échelle de trente degrés, que Jacob, c'est-à-dire " celui qui a supplanté les passions ", contempla tandis qu'il reposait sur la couche de l'ascèse (Gen XXVIII, 12),
Cette Somme orthodoxe de la vie spirituelle, est lue chaque année, dans l'église ou au réfectoire, pendant le Grand Carême. C'est pourquoi on trouve souvent une fresque de l'Echelle dans les monastères orthodoxe. Elle reste à travers les siècles, tant pour les moines que pour les laïcs, le guide par excellence de la vie évangélique. Saint Jean n'institue pas des règles, mais, à partir de recommandations pratiques, de détails judicieusement choisis, d'aphorismes ou d'énigmes souvent pleins d'humour, il initie l'âme au combat spirituel et au discernement des pensées. Sa parole est brève, dense et effilée, et elle pénètre, tel un glaive, jusqu'au profond de l'âme, tranchant sans compromis toute complaisance de soi et poursuivant jusque dans leurs racines l'ascèse hypocrite et l' égoïsme. Semblable à celle de saint Grégoire dans le domaine théologique, cette parole est l'Évangile mis en pratique, et elle conduit sûrement ceux qui s'en imprègnent par une lecture assidue, jusqu'à la porte du ciel où le Christ nous attend, Parvenu à un âge avancé, le bienheureux Jean désigna son frère Georges, qui lui aussi avait embrassé la vie hésychaste dès le début de son renoncement, pour lui succéder à la tête du monastère. Lorsqu'il fut sur le point de mourir (entre 650 et 680), Georges lui dit : " Ainsi tu m'abandonnes et tu pars! Pourtant, j'ai prié pour que tu m'envoies vers le Seigneur en premier, car sans toi il n'est pas en mon pouvoir de paître cette communauté." Mais Jean le rassura et lui dit : " Ne t'afflige pas et ne te fais pas de souci. Si je trouve grâce devant Dieu, je ne te laisserai même pas achever une année après moi. " Effectivement, dix mois après le repos de Jean, Georges partit à son tour vers le Seigneur.
Source : synaxaire du Hiéromoine Macaire de Simonos Petra

Extraits de l'office du jour
Vêpres du samedi
Lucernaire
Père vénérable,
ayant entendu la voix de l'Évangile du Seigneur,
tu as quitté le monde, tenant pour rien la richesse et la gloire ;
aussi criais-tu à tous :
aimez Dieu et vous trouverez la grâce éternelle ;
ne préférez rien d'autre à Son amour,
afin que, lorsqu'Il viendra dans Sa gloire,
vous trouviez le repos avec tous les saints.
Par leurs supplications, ô Christ, protège et sauve nos âmes.
Tropaire du dimanche
Elles m'ont détaché de Tes commandements,
mes pensées inconstantes, ô Sauveur, et je suis fustigé par mes péchés.
Laudes
Venez, travaillons dans la vigne mystique ;
en elle, produisons les fruits du repentir,
peinant non pour la nourriture et la boisson,
mais, parvenant aux vertus, dans les prières et les jeûnes :
par ces œuvres qui Lui plaisent,
le Seigneur nous accordera le denier par lequel
Il délivre les âmes de la dette du péché, Lui le seul miséricordieux.

Zone de texte:  Saint Jean Climaque :
Sur la pénitence
La pénitence est une restauration du Baptême. La pénitence est un pacte avec Dieu pour une seconde vie, Le pénitent est un homme qui va acheter l'humilité. La pénitence est une continuelle défiance des aises du corps. La pénitence est la fille de l'espérance, et renoncement au désespoir. Le pénitent est un coupable qui n'a plus à rougir. La pénitence est la réconciliation avec le Seigneur par la pratique des bonnes œuvres contraires aux péchés commis.
La pénitence est la purification de la conscience. La pénitence est le support volontaire de toutes les tribulations. Le pénitent est l'artisan de son propre châtiment. La pénitence est une vigoureuse mortification du ventre et une blessure de l'âme fortement ressentie.
Après nos chutes, combattons par-dessus tout le démon de la tristesse : il se présente à nous au temps de la prière, et, nous remettant en mémoire notre première familiarité avec Dieu, il s'efforce de détruire notre prière. Ne t'étonne pas de tomber tous les jours ; n'abandonne pas la lutte, mais maintiens courageusement ton effort. Et ton ange gardien lui-même rendra hommage à ton endurance.
Avant la chute, les démons nous disent que Dieu est ami des hommes ; mais quand nous sommes tombés, ils Le prétendent impitoyable. Celui qui veut véritablement son redressement considère comme perdue chaque journée où il n'a pas été touché de componction, quelque bien qu'il ait pu faire par ailleurs.
Source : L'Échelle sainte, traduit par le père Placide Deseille, éditions de Bellefontaine, 1978

saint Théophane le Reclus Saint Théophane le Reclus : Le cœur digne du Paradis
Dans les Béatitudes, le Seigneur nous dépeint le cœur digne du Paradis (Mat. V, 9-12).
C'est un cœur habité par l'humilité, l'affliction et les larmes, la douceur et l'absence de colère, la pureté, l'amour de la paix, l'endurance aux malheurs et aux persécutions pour la foi et la vie chrétienne.
Si tu veux entrer au Paradis, sois comme cela. Et dès ici-bas tu auras un avant-goût du Paradis, où tu entreras, prêt, après la mort, comme un héritier attendu

Homélie du P. Placide pour le
Dimanche de saint Jean Climaque 2008
Zone de texte:  Ce quatrième dimanche de carême, nous célébrons avant tout, comme tous les dimanches de l'année, la Résurrection du Seigneur, comme en témoignent les textes de l'office d'aujourd'hui et cet évangile de l'orthros que nous venons d'entendre, cet évangile qui une fois encore nous rapporte une guérison accomplie par le Seigneur. Et nous entendons les apôtres demander au Seigneur pourquoi ils n'ont pas réussi, eux, à chasser le démon, pourquoi, eux, ne sont pas parvenus à opérer cette guérison ; et le Seigneur leur répond : " Ce genre de démon ne se chasse que par la prière et le jeûne. "
Et en ce jour l'Église nous fait aussi célébrer la fête de saint Jean Climaque. Tout l'enseignement de saint Jean Climaque peut se résumer dans ces paroles du Seigneur : " Ce genre de démon ne se chasse que par la prière et le jeûne. " Saint Jean Climaque, jeune encore, à l'âge de 18 ans, s'est rendu au Mont Sinaï, il y est devenu le disciple d'un ancien et est resté pendant dix-neuf ans à l'école de cet ancien. Puis, à sa mort, il s'est retiré dans un ermitage un peu plus lointain, un peu plus éloigné du centre monastique lui-même du Mont Sinaï. Le Sinaï, à cette époque, comportait un grand monastère, dont l'église avait été construite par l'Empereur Justinien au sixième siècle, à peu près un siècle avant que saint Jean Climaque y vienne. Mais il y avait déjà dans la montagne, tout autour du Sinaï, et parfois assez loin, jusqu'à soixante-dix kilomètres du monastère central, des ermites et des groupements d'ermites qui vivaient dans des grottes, dans des cabanes, consacrant toute leur vie à la prière et au service du Seigneur.
Saint Jean Climaque, à la mort de son père spirituel, donc après dix-huit ans passés auprès de lui, s'est retiré dans une grotte, que l'on voit encore aujourd'hui. C'était à peine une grotte, c'était plutôt un abri fait de rochers entassés au sein d'un grand éboulis. C'est là que saint Jean Climaque a vécu encore 40 ans de vie érémitique, vivant des leçons de son père spirituel, des leçons qu'il avait reçues quand il était jeune moine et que, devenu lui-même un père spirituel doté d'une grande expérience, il dispensait aux ermites de son entourage.
Et puis, très âgé, il a été élu higoumène du monastère central du Mont Sinaï, du monastère dont dépendaient tous ces ermitages et où l'on vénère encore aujourd'hui le Buisson Ardent. On y voit encore en effet ce buisson dans lequel Moïse avait vu Dieu lui apparaître, ce buisson qu'il avait vu brûler, pénétré par le feu sans se consumer.
Saint Jean Climaque a résumé tout son enseignement dans son livre appelé L'Échelle sainte. Tout l'enseignement de ce livre consiste à nous décrire comment le moine et finalement tout chrétien, en adaptant les choses à sa condition, peut et doit développer le germe de grâce, la présence intérieure du Saint-Esprit, reçue au baptême, pour parvenir au plein épanouissement de sa vie chrétienne.
Sous l'Ancien Testament, le peuple d'Israël possédait une loi, gravée sur des tables de pierre, une loi que le prophète Moïse avait reçue de Dieu sur ce Mont Sinaï, mais cette loi était une loi extérieure, une loi qui n'avait pas le pouvoir de transformer les cœurs : les hommes essayaient bien de la pratiquer, mais finalement ils faisaient surtout l'expérience de leur incapacité, de leur impuissance à mettre en pratique ces préceptes divins, et c'est pourquoi Dieu, quelques siècles plus tard, avait annoncé par ses prophètes une alliance nouvelle, un don nouveau qu'il ferait aux hommes, qui ne serait plus celui d'une loi écrite sur des tables de pierre, mais qui serait une loi nouvelle écrite sur les cœurs. C'est-à-dire une loi qui consisterait en des lumières intérieures, en de bons instincts intérieurs, qui inclineraient l'homme, moyennant son libre consentement, à se conformer à la volonté de Dieu, à agir en coopération constante avec Dieu, avec sa grâce présente dans son cœur. C'est là le don du Saint- Esprit que le Christ ressuscité a répandu sur les disciples le jour de la Pentecôte ; c'est cette présence de l'Esprit-Saint que nous recevons dans nos cœurs lors de notre baptême.
Seulement, après notre baptême, malheureusement, nous commettons encore bien des péchés, et ces péchés empêchent cette présence de l'Esprit-Saint de porter en nous tous ses fruits. Nous avons cette lumière intérieure, nous avons déjà quelque chose de ce bon instinct qui nous révèle la volonté de Dieu, qui nous incline à l'accomplir, qui nous incline à trouver notre joie dans cet accomplissement ; mais nos péchés sont là, nos passions sont là et mettent obstacle à la pleine manifestation de cette vie divine qui est en nous. Et c'est pour cela que Saint Jean Climaque, en ce septième siècle, qui allait voir l'invasion arabe recouvrir tout le Proche-Orient et bientôt l'Asie-Mineure du voile de l'Islam, a rassemblé et résumé tout l'enseignement spirituel des pères antérieurs dans son livre l'Échelle sainte, que l'Église voit comme le manuel par excellence de la vie spirituelle du chrétien.
Pour que cette présence de l'Esprit-Saint dans nos cœurs devienne vraiment active, vraiment agissante, pour que notre tendance vers le bien devienne en nous comme une seconde nature qui nous fasse spontanément agir dans le sens de l'évangile, qui nous fasse spontanément vivre en renonçant à notre ego, à toutes les formes de notre égoïsme, de notre repliement sur nous-même pour nous ouvrir au prochain, pour faire qu'en toute chose nous préférions l'intérêt du prochain au nôtre, pour que nous vivions véritablement en fils de Dieu, ayant le cœur transformé par un amour universel, une bienveillance universelle envers tout homme, saint Jean Climaque nous a tracé l'Échelle qui va nous permettre de nous libérer progressivement de nos passions, afin que le Saint-Esprit puisse véritablement avoir la maîtrise de notre cœur et réaliser en nous dans sa plénitude cet accomplissement de la loi nouvelle que le Christ ressuscité veut faire régner en nous.
Cette Échelle va comporter un certain nombre de degrés. Il faudra lutter contre les passions par une ascèse qui mettra en jeu notre corps : le jeûne au premier rang, et aussi une certaine séparation du monde ; le chrétien est dans le monde mais n'est pas du monde. Ce n'est pas seulement les moines qui doivent vivre séparés du monde, mais tout chrétien doit savoir prendre des distances à l'égard de tout ce qui peut dissiper son âme, de tout ce qui peut lui faire oublier sa vocation divine en la noyant en quelque sorte dans le tourbillon du monde. Saint Jean Climaque place aussi dans les tout premiers degrés de son Échelle l'obéissance. Pas seulement l'obéissance du moine à ses supérieurs, car un moine qui n'obéirait qu'à ses supérieurs ne pratiquerait pas la véritable obéissance, il pourrait obéir pour se faire bien voir, pour ne pas avoir d'ennuis avec les supérieurs ; la véritable obéissance est une attitude d'humilité à l'égard de tout homme, une attitude qui nous incline à ne jamais préférer nos goûts, nos attraits, notre intérêt à ceux des autres, à savoir céder volontiers : si l'on te demande ta tunique, donne aussi ton manteau, nous dira le Seigneur, si on te demande de faire un mille, fais-en deux, et ainsi de suite (Mt., 5, 40).
Ensuite, il faudra aussi lutter contre toutes les pensées mauvaises. Lutter contre les pensées mauvaises, c'est-à-dire que dès qu'une tentation s'insinue en nous, une pensée, qu'elle soit de jalousie, qu'elle soit une pensée peu charitable à l'égard du prochain, que ce soit une pensée de nous satisfaire par tel ou tel bien créé que nous voudrions nous approprier, nous la brisions contre le Christ, c'est-à-dire contre l'invocation du Christ. Et là, cette prière de Jésus qui nous est recommandée est infiniment précieuse. Il faut arriver à remplacer toutes ces pensées, toutes ces rêveries, toutes ces imaginations, qui occupent inutilement notre esprit, par la prière. Et le plus facile, c'est de recourir à la prière de Jésus ; il y a aussi, bien sûr, la prière des Psaumes, tellement fondamentale pour le moine ; il y a aussi des prières plus libres. La prière doit être le grand moyen de nous libérer de cette emprise du démon. Une prière qui ne sera pas encore la prière du cœur. Il y a souvent une confusion dans le vocabulaire entre prière de Jésus et prière du cœur.
Pratiquer la prière de Jésus au stade auquel je faisais allusion à l'instant, ce n'est pas encore pratiquer la prière du cœur, parce que ce n'est pas une prière véritablement spontanée, ce n'est pas encore une prière devenue savoureuse, ce n'est pas encore une prière qui nous fasse véritablement expérimenter la présence de Dieu dans nos cœurs ; c'est seulement à ce moment-là qu'on pourra parler véritablement de prière du cœur. Mais d'abord, ce sera une prière à laquelle il faut se forcer, il faut se contraindre, pour lutter contre toutes les tentations, toutes les pensées mauvaises, toutes les imaginations qui s'agitent dans notre cœur et dans notre esprit.
D'autre part, entre toutes ces pensées mauvaises, comme entre les vertus qui doivent progressivement prendre leur place, il existe un certain ordre dont il est important de tenir compte : certains vices sont engendrés par d'autres, comme certaines vertus ne peuvent être acquises que si l'on n'en possède déjà d'autres qui en sont comme les mères.
Saint Jean Climaque, instruit à la fois par sa connaissance des écrits des pères du désert qui l'avaient précédé et par sa propre expérience de la vie spirituelle, était particulièrement apte à nous instruire des degrés à respecter dans ces deux domaines pour parvenir ainsi à la pureté du cœur indispensable pour que le Saint-Esprit puisse régner pleinement dans l'âme et lui faire expérimenter et goûter la saveur de ce qu'elle n'obtenait précédemment qu'avec beaucoup de peine et de labeur.
Oui, et si l'on est fidèle à cela, si l'on gravit les uns après les autres tous ces degrés, on parviendra effectivement à cette vie de cœur, à cette spontanéité de notre vie chrétienne, à cette présence plénière de l'Esprit qui dilatera notre cœur pour le service de Dieu, qui lui fera prendre une conscience expérimentale que nous sommes devenus véritablement fils de Dieu dans le Christ, que le Christ vit en nous, qu'il vit en nous sa vie de Fils de Dieu, de Fils unique du Père ; nous, certes, nous ne serons que des fils adoptifs, lui est le Fils par nature, mais c'est en étant ses membres, en adhérant toujours plus profondément à son âme et à son corps que nous pourrons devenir pleinement des fils de Dieu.
C'est cela le sens de l'œuvre de saint Jean Climaque, et il insistera sans cesse sur le fait qu'il faut gravir cette échelle degré après degré. Comme il nous le dit, on ne peut pas sauter du pied d'une échelle à son sommet. Le but est bien de parvenir à cette intimité avec Dieu, à cette transformation profonde de notre cœur par la présence de l'Esprit-Saint. Mais il n'y a pas d'autre moyen pour cela que, comme le Seigneur le disait aux apôtres, le jeûne et la prière. C'est seulement comme cela que nous pouvons nous libérer de nos passions, nous libérer de l'emprise de Satan sur nos cœurs, de Satan à qui nous avons malheureusement ouvert notre cœur trop souvent en consentant, sous une forme ou sous une autre, au péché.
Oui, le jeûne et la prière, la prière incessante, la prière continuelle, une prière encore une fois à laquelle il faut se contraindre, se forcer alors qu'on n'a pas envie de prier. Mais c'est le seul moyen de se libérer, c'est le seul moyen de parvenir à cette vie divine qui nous est offerte dans le Christ, à la gloire du Père, dans la puissance de l'Esprit-Saint.
Au Père, au Fils et à l'Esprit, soit la gloire dans les siècles des siècles.
Amen.

Pour recevoir les mises à jours correspondantes il suffit de nous écrire pour les demander.